Influenceurs : qu’attendent leurs abonnés ?
29 Juin 2022 • 4 min de lecture
Souvent critiqués, mais omniprésents dans nos vies numériques, les influenceurs font parler d’eux. On interroge souvent leur objectivité, leur influence réelle mais rarement leur pertinence aux yeux de leurs abonnés. Mais qu’attendent les abonnés des influenceurs ? Une question à laquelle ont tenté de répondre Marine Comment, chargée d’étude à Moai, responsable d’une étude sur l’influence et la perception des abonnés à leurs égards, et Clément Le Pleux, content manager chez The LINKS.
L’étude « Les influenceurs et la perception des abonnés à leur égard » de Moaï a été réalisée en janvier 2022 en deux temps. Une première phase de cadrage pour connaître la proportion de followers réguliers (autrement dit, qui suivent un influenceur au moins une fois par semaine) au sein de la population française âgée de plus de 16 ans.
Nous pouvons ainsi constater que « 26% des français déclarent suivre un influenceur au moins une fois par semaine. Nous avons fait suivre dans un second temps, un questionnaire administré uniquement à ces followers réguliers (qui sont en grande partie des femmes âgées de 16 à 29 ans) pour comprendre leurs attentes vis-à-vis des influenceurs et des marques. »
C’est quoi être influenceur en 2022 ?
Si on s’en tient à la définition au sens strict, un influenceur, c’est une personne qui, grâce à son exposition sur Internet (blog, réseaux sociaux…), impacte le comportement d’une communauté.
Ce concept d’influenceur est toutefois en pleine mutation. Au-delà des “grands influenceurs” historiques, l’apparition des micro-influenceurs qui proposent un contenu pointu à de petites communautés (moins de 100 000 abonnés) change la donne. Cet univers est par ailleurs de plus en plus atomisé, avec, comme dernier bouleversement en date, l’explosion de Tiktok. Pendant la pandémie de COVID 19, ce réseau a fait éclore un nouveau segment d’influenceurs plus jeunes, dont le contenu est axé sur le divertissement, comme Charlie D’Amelio et ses vidéos de danse, suivies par plus 140 millions d’abonnés.
Ce concept est également en pleine mutation en raison d’une frontière de plus en plus poreuse entre les influenceurs, les créateurs de contenus et les people / artistes qui deviennent eux aussi des influenceurs :
- Jessica Thevenin (+6 millions d’abonnés sur Instagram) l’ancienne candidate des « Marseillais » partage son quotidien sur ses réseaux sociaux, en y intégrant des recommandations d’achat
- Bien que chanteuse, Vitaa (1 million d’abonnés sur Instagram) présente également sa ligne de vêtements et un programme sportif sur son compte Instagram.
- Hugo Décrypte (2 millions d’abonnés sur Instagram) est un journaliste- chroniqueur qui intègre également des partenaires à ses vidéos.
Si les créateurs de contenu tendent aujourd’hui à se considérer davantage comme des travailleurs créatifs que des figures publiques, ce flou souligne une appropriation des codes de l’influence par …tout le monde !
Sport, cinéma, chanteur, humour, dirigeant d’entreprise, journalistes… Ils reprennent tous les codes de l’influence en les adaptant à leurs professions. Au-delà des caricatures, au final, nous avons tous intégré des codes de l’influence dans notre vie digitale (pro ou perso).
Quelles sont les attentes des abonnés réguliers envers les influenceurs qu’ils suivent ?
Ces abonnés réguliers représentent « 26% des Français ». Un enseignement majeur de l’étude concerne la manière dont les micros et macros-influenceurs sont perçus. Les followers réguliers vont davantage s’identifier aux micro-influenceurs qu’ils perçoivent comme plus naturels, plus authentiques dans leurs avis, plus accessibles aussi…
Entre les micro-influenceurs et leurs communautés, s’établit un lien de confiance particulièrement fort qui se ressent à la fois :
- Dans le niveau d’attachement : les followers réguliers considèrent davantage les micros-influenceurs comme des amis ou des membres de leur famille.
- Dans les comportements d’achats : les followers réguliers vont davantage écouter un micro-influenceur qui leur conseille d’arrêter d’acheter une marque, un produit ou un service voire vont déconseiller à leur entourage d’acheter cette marque, ce produit, ce service.
- Dans leurs attentes en matière de bénéfice contenu véritable bénéfice contenu : des conseils, des astuces, des bons plans… mais aussi du divertissement / de bons moments… et un ancrage fort “dans la vraie vie”.
Il également intéressant de constater une attente d’accompagnement sur des sujets où les influenceurs sont peu présents aujourd’hui :
- Tous : optimiser leur consommation électrique
- Spécifique aux 16-29 ans : mieux se renseigner sur la provenance de leurs vêtements ou appareils électriques
- 30-44 ans : choisir une voiture, choisir une complémentaire santé / mutuelle
- 45-59 ans : mieux se renseigner sur l’éthique, les pratiques RSE des marques qu’ils achètent, choisir une assurance ou une banque.
En résumé les followers réguliers cherchent à avoir un repère de confiance et une rassurance face à des enjeux et des parcours d’achat complexes.
Il faut néanmoins souligner qu’aujourd’hui l’influence reste encore limitée à certains secteurs d’activités (lifestyle, fitness, beauté, etc.)
Maintenant, il est intéressant de constater que ces attentes dépassent le stade de la simple recommandation. “Optimiser”, “aider à choisir”, “se renseigner… : les abonnés demandent des éclairages à leurs influenceurs préférés ; et cela pose une question au niveau de l’expertise. Si votre “meilleur ami virtuel” vous semble crédible, est-il légitime pour vous répondre ?
Le pouvoir de recommandations des influenceurs n’est donc plus à prouver, mais les abonnés veulent des conseils ! On revient ainsi à des problématiques de contenu… D’ailleurs, afin de rester (devenir ?) crédibles et légitimes, de plus en plus d’influenceurs proposent désormais des contenus éditoriaux. On passe ainsi du “tous influenceurs” aux “tous créateurs” !
Quel impact pour les marques ? 48% des abonnés attendent que les marques s’adressent à eux au travers de partenariats avec un/des influenceur(s)…
Dans le détail, les marques les plus attendues diffèrent en fonction de l’âge :
- 16-29 ans : vêtements, beauté, culture
- 30-44 ans : bricolage, jardinage, jouets
- 45-59 ans : banques
- 60 ans et + : bricolage, jardinage, électroménager
Dans les premiers temps, l’influence marketing surfait sur ce qu’on appelait « l’économie de la passion » désignant des individus qui monétisait une audience autour de leur passion.
Aujourd’hui, on parle de plus en plus d’économie “des créateurs” : ces individus / créateurs dépendent de moins en moins des plateformes (YouTube, Instagram…) grâce à de nouveaux outils comme Patreon, Substack ou Twitch. Ils sont en lien direct avec leur communauté, et leurs fans les plus passionnés soutiennent leur créativité grâce à un abonnement. Nous assistons donc à une réappropriation des contenus par leurs créateurs.
Il y a fort à parier que cette “creator economy” transformera encore ces logiques d’influence avec de plus en plus de micros voire nanos “créateurs de contenu”. Pour les marques, cela impliquera de donner encore plus d’importance aux partenariats et/ou collaborations et moins aux placements de produits, mais aussi de donner à leurs employés l’opportunité de devenir eux-mêmes des créateurs pour valoriser leur marque.
Prenons l’exemple de Cultura.
Pour que les clients vivent une expérience unique dans leurs magasins, les vendeurs-conseils sont sélectionnés selon leur attrait pour un “univers produit” afin de se positionner en tant que “Passeur de culture”. Ce rôle dépasse les missions de vente. Ces “passeurs de culture” étant mis en avant à travers des coups de cœur et tuto-vidéos partagés sur les réseaux sociaux de la marque, tels de vrais ambassadeurs / influenceurs / créateur de contenu. Une influence qui semble quoi qu’il en soit plus éthique, car légitime.