IA et créativité : comment coexister ?

18 Jan 2023 4 min de lecture

L’intelligence artificielle (IA) est en train de changer la façon dont nous travaillons… Si elle est de plus en plus utilisée pour automatiser des tâches répétitives, il existe également des craintes quant à son impact sur notre créativité. On en parle avec Adrien Paquin UX Designer et Guillaume Durand, Directeur de création chez The LINKS dans ce nouvel épisode d’UV ; ce même Guillaume nous livre également son regard et son expérience de créatif face à la puissance de la machine !

Tribune : comment rester créatif alors que les IA deviennent meilleures que nous ?

IA créative, la révolution est en marche

Ça ne vous a pas échappé, nous y sommes, les IA sont maintenant plus fortes que nous, partout où nous pensions qu’elles n’arriveraient jamais à nous battre. Ce n’est pas un buzzword de plus… c’est une révolution ; le mot n’est pas exagéré, nous ne sommes pas dans une Keynote Apple.
En moins d’un an, la place prise par ces nouveaux entrants est immense.
Le sujet dépasse les secteurs bousculés.
La rumeur est même arrivée aux oreilles du grand public qui commence à l’utiliser pour tricher au lycée alors que les NFT et le Metaverse ne font encore parler d’eux qu’en termes de banqueroute ou à travers les campagnes de Meta qui espère toujours nous convaincre sur Facebook.

Au moindre « prompt » saisi, les images ou les conversations s’enchainent, et il est facile de se laisser hypnotiser tant la qualité des réponses graphiques ou textuelles est élevée. Il est certain qu’à ce rythme, les banques d’images qui nous abreuvent de photos lisses et sans aspérité ont du souci à se faire. Pour le contenu jetable, ces IA ont l’air imbattables.

Passé le premier vertige du « on est tous foutus » je suis maintenant fasciné, comme bon nombre des personnes qui travaillent dans un domaine directement touché par la puissance de ces algorithmes.

L’IA ne vous volera pas votre travail, mais une personne qui sait l’utiliser, le fera !

Cette phrase, vous l’avez déjà vue des dizaines de fois ; tout le monde essaye de se rassurer.
Effectivement, ces IA sont techniquement impressionnantes.
Mais j’ose espérer que notre sensibilité et notre intuition ne seront jamais égalées afin de nous permettre d’avoir le final cut sur ce que ces machines nous proposent. Parce qu’il faut quand même encore trier et vérifier.

  • Sur les IA de design graphique, les inspirations se repèrent vite et posent des problèmes de plagiat, les compositions ne sont pas toujours heureuses et il faut produire du volume pour arriver précisément à ce que l’on cherche.
  • Sur une IA conversationnelle, j’ai l’impression de revivre des scènes de validation avec l’ARPP. Décidément, cette IA ne veut prendre aucun risque. Là aussi, c’est à nous, encore heureux, de choisir et de nous positionner parmi tout ce qu’elle propose.

Mais je reste fasciné.

L’IA, un outil pour trouver des idées, sortir des impasses, ouvrir des portes…

J’ai l’impression d’ouvrir un nouveau type de carnet de croquis. De feuilleter de nouvelles pages de tendances vivantes. D’avoir à ma disposition quelqu’un qui ne s’agite pas inutilement dans un brainstorming et qui me propose, calmement, sans se lasser, des pistes de réflexion autant que j’en souhaite !

J’ai demandé à ChatGPT de m’imaginer une opération pour un de nos annonceurs.
L’IA m’a immédiatement sorti les idées les plus évidentes, mais tout de même une ou deux suggestions auxquelles je n’aurais pas « tout de suite » pensé, probablement par auto-censure. Je lui ai ensuite demandé de me décliner des accroches sur la base d’un système…
Là aussi, toutes les propositions étaient « propres » et l’une d’elles, vraiment bien, inattendue !

Emporté dans mon élan, je lui ai demandé de trouver une idée afin de gagner un prix aux Cannes Lions.
Là aussi, pas sûr d’avoir un « gold », mais bien crafté pour un annonceur international avec de gros moyens, l’idée avait toutes ses chances de percer… Au moins pour saluer le dispositif que l’IA avait imaginé ; hors de prix et difficile à mettre en œuvre.

Ces outils ont de nombreux points de vue et ils les donnent sans réfléchir… sans nos biais habituels. Ils iront là où on se refusait inconsciemment à aller et nous tendrons des perches que nous pourrons saisir pour atteindre de nouvelles voies de réflexion.

IA & The LINKS

L’IA, entre efficacité et perte de sens

Dans ce métier où on demande aux agences toujours plus, toujours plus vite, où plus personne ne veut prendre de risque et préfère valider quelque chose de déjà terminé — combien d’annonceurs savent encore lire un crayonné ? Se projeter dans des intentions de réalisation ? — ces IA nous seront probablement d’un grand secours !

Elles nous permettront aussi sans aucun doute de sortir à la pelle ce contenu la plupart du temps peu intéressant , jetable, sur lequel on passe sans jamais revenir, mais qui permet de rester à flot dans les vagues immenses qui déferlent chaque jour sur les réseaux sociaux.

Mais à quoi bon aller plus vite si c’est pour aussi jeter toujours plus vite ?

Dans un monde qui appelle à la sobriété, j’ai le sentiment que ces IA nous déconnectent totalement de la réalité. Le bilan carbone de ces outils extrêmement énergivores est difficile à estimer. Sans parler des nombreuses questions juridiques (droits d’auteur, responsabilité, modération…) qui vont aussi arriver.

Alors certes, je suis toujours fasciné. Parce que tout ça est encore neuf. Je suis curieux de voir si dans quelques mois, années, ces outils seront les parfaits assistants qu’ils semblent pouvoir devenir. Je suis curieux de voir si nous serons totalement hypnotisés par leur production ou alors si la valeur du « fait main », du sensible, aura en contrepartie explosé.

Parce que pour faire la différence face à ces nouvelles technologies, il faut absolument rester en éveil, se poser la question de comment nous allons pouvoir composer avec… puisqu’elles sont là !

Être curieux, c’est encore ça qui nous reste en tant qu’être humain.
C’est bien un truc que les machines n’auront pas.