Désengagement : la communication est-elle condamnée au business-as-usual ?

19 Juin 2025 5 min de lecture

Un désengagement écologique et social s’est infiltré dans notre espace médiatique, nos conversations et… dans les stratégies de marque. Face à la montée de ce « backlash », où certains reculent pendant que d’autres accélèrent leur transition, un nouveau jeu d’équilibre s’installe. Comment les marques, en première ligne, peuvent-elles encore susciter l’adhésion et impulser un changement durable ?

Le phénomène de désengagement : entre recul et accélération

Le paysage de l’engagement écologique et social connaît aujourd’hui un paradoxe saisissant : alors que certains publics et entreprises accélèrent leur transition, d’autres manifestent un recul marqué, donnant naissance à un « backlash » inédit. Cette dynamique se traduit par une polarisation croissante des attitudes face à l’urgence climatique et aux enjeux de société, avec des conséquences tangibles sur les comportements individuels et collectifs..

La France, comme d’autres pays européens, voit émerger une frange de la population de plus en plus sceptique vis-à-vis des discours et actions liés à la transition écologique. Pour autant, cette vague de désengagement ne fait pas disparaître l’autre extrémité du spectre : une part croissante de citoyens et d’entreprises s’engagent plus que jamais dans la transformation. Les chiffres de l’ADEME révèlent que 62 % des Français considèrent la transition écologique comme une priorité, et le marché des produits durables continue de progresser, porté par des consommateurs exigeants et informés. Les entreprises, conscientes des attentes sociétales, rivalisent d’initiatives pour réduire leur impact, renforcer leur transparence et valoriser leurs engagements RSE.

Ce phénomène de « décrochage accéléré » dessine une société à deux vitesses, où le dialogue entre les convaincus et les sceptiques devient de plus en plus tendu. Les marques, coincées entre le risque de « greenwashing » et la pression pour plus d’authenticité, doivent naviguer avec finesse pour éviter le rejet d’une partie de leur audience tout en continuant à jouer un rôle moteur dans la transformation.

Les défis de la communication face au désengagement

Communiquer représente un véritable défi pour les marques et les institutions : le discours engagé est désormais scruté, contesté, parfois rejeté, tandis que la moindre erreur de ton expose à l’accusation de « greenwashing » ou de récupération opportuniste. Cette méfiance grandissante s’observe dans l’espace public, où la parole sur les enjeux écologiques et sociaux est systématiquement remise en question, et où certains consommateurs n’hésitent plus à dénoncer ou tourner en dérision les campagnes jugées hypocrites ou déconnectées de la réalité.

Face à cette défiance, les communicants doivent trouver l’équilibre entre ambition et humilité, sincérité et efficacité. Les cas de backlash médiatique se multiplient : une marque qui surjoue son engagement peut être la cible de campagnes de « name and shame » sur les réseaux sociaux, voire de boycotts organisés. À l’inverse, l’absence de positionnement ou le silence sur les grands enjeux du moment est perçu comme un manque de courage ou d’implication, ce qui peut entraîner une perte de confiance durable.

La multiplication des canaux d’expression et la rapidité de diffusion de l’information renforcent ces enjeux. Les réseaux sociaux, les plateformes d’avis ou les forums spécialisés permettent à chacun de s’exprimer et de réagir instantanément : un bad buzz peut se propager en quelques heures, fragilisant durablement la réputation d’une organisation. Dans ce contexte, la cohérence et la traçabilité des engagements deviennent des impératifs : il ne suffit plus d’afficher des valeurs, il faut les incarner dans toutes les dimensions de l’entreprise, sous peine de voir sa parole discréditée.

Le défi de la communication consiste alors à réinventer la manière de parler d’engagement : privilégier la pédagogie, la preuve, l’écoute active et l’authenticité, tout en acceptant le dialogue, le doute et parfois la contradiction. Les marques qui réussissent à surmonter ces obstacles s’imposent comme des acteurs crédibles et respectés, capables de fédérer au-delà de leur communauté traditionnelle et d’entraîner une adhésion sincère autour de leurs initiatives.

Stratégies pour une communication engagée et impactante

Dans un contexte où le désengagement menace la crédibilité des discours, adopter une communication engagée et impactante exige une approche repensée, nourrie par la transparence, la cohérence et la preuve concrète. Les marques qui parviennent à convaincre sont celles qui privilégient l’action à la simple déclaration, illustrant leur engagement par des initiatives tangibles et vérifiables.

L’authenticité s’impose comme un critère central : il ne s’agit plus uniquement de dire, mais de montrer et d’impliquer. Cela passe par l’intégration des parties prenantes dans la réflexion et la co-construction des engagements. Impliquer collaborateurs, clients ou associations dans des démarches participatives renforce la légitimité du discours et favorise l’adhésion. À titre d’exemple, certaines entreprises ouvrent leurs processus de décision à des comités citoyens ou publient en toute transparence les résultats, positifs comme négatifs, de leurs actions.

La communication engagée doit également s’appuyer sur un discours pédagogique et accessible, capable d’expliquer la complexité sans tomber dans la simplification excessive. Mettre en avant le chemin parcouru, les difficultés rencontrées et les marges de progression permet de créer une relation de confiance durable. La preuve par l’exemple, l’humilité dans le propos et la capacité à reconnaître ses limites constituent des leviers efficaces pour restaurer la crédibilité de la parole de marque.

Communication responsable : quel avenir ?

Vers une transformation durable de la communication

La pérennité de la communication ne peut plus se contenter de promesses : elle doit se traduire par une transformation profonde et continue des pratiques. Dans un environnement où la défiance s’installe durablement, les marques sont appelées à revoir leurs fondamentaux en matière de dialogue, de transparence et d’engagement. Cette mutation ne concerne pas uniquement les prises de parole ponctuelles, mais s’inscrit dans le temps long, exigeant une remise en question permanente des méthodes et des résultats.

Instaurer un climat de confiance repose désormais sur la capacité à inscrire la sincérité et la cohérence au cœur de chaque interaction. Les organisations qui s’engagent dans cette dynamique privilégient la traçabilité de leurs actions et la régularité de leurs bilans, tout en acceptant de communiquer aussi bien sur leurs réussites que sur leurs axes d’amélioration. Cela implique d’aller au-delà des effets d’annonce : les preuves concrètes, les initiatives mesurables et les retours d’expérience partagés deviennent la norme pour inspirer durablement.

Cette transformation durable passe également par l’intégration systématique des enjeux sociaux et environnementaux dans la stratégie de communication. Les marques qui adoptent une démarche de progrès continu, en impliquant leurs parties prenantes et en adaptant leurs messages aux attentes réelles du public, parviennent à créer un cercle vertueux : celui d’une confiance retrouvée, nourrie par la cohérence entre les paroles et les actes.

En s’engageant dans ce mouvement, la communication devient un levier puissant de transformation responsable, capable d’influencer positivement la société et d’accompagner les transitions nécessaires. Ce nouvel horizon ne se limite pas à l’image : il façonne la culture de l’organisation et contribue à construire des relations durables, basées sur l’écoute, l’authenticité et l’impact réel.

Réinventer la communication ne relève plus d’un choix, mais d’une nécessité pour celles et ceux qui veulent inspirer, fédérer et générer un impact profond et durable. Face à la montée du désengagement, seules les organisations capables de conjuguer sincérité, preuves tangibles et dialogue continu sauront retisser les liens de confiance avec leurs publics. La transformation engagée aujourd’hui dessine un avenir où la communication, loin d’être un simple outil, devient un moteur de changement et d’engagement collectif.